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Contributions > Par intervenant > Langlet Christelle

Développer des dynamiques d'actions évolutives au service d'une agriculture écologiquement soutenable
Christelle Langlet  1, *@  , Lionel Delvaux  2@  
1 : Inter-Environnement-Wallonie  (IEW)  -  Site web
Rue Nanon 98, 5000 Namur -  Belgique
2 : Inter-Environnement-Wallonie  (IEW)  -  Site web
Rue Nanon 98, 5000 Namur -  Belgique
* : Auteur correspondant

L'objectif de cette contribution sera de formuler des recommandations visant à favoriser l'émergence d'initiatives d'agriculteurs wallons innovateurs dans l'amélioration de leurs pratiques vers une agriculture écologiquement soutenable en renforçant l'articulation agriculteurs- scientifiques expert en agro-écologie et donc en favorisant la mutualisation et la co-construction des savoirs. L'élaboration des propositions se fera en concertation avec les acteurs de la sphère agricole au travers d'un processus participatif.

Le modèle agricole wallon est caractérisé par une forte spécialisation et une approche techniciste très poussée, au détriment de l'environnement et de l'emploi (Bouquiaux, 2012). L'agriculture conventionnelle qui y est majoritairement pratiquée est fortement dépendante des aides et des intrants et ne permet pas d'intégrer et anticiper les crises actuelles et à venir. Face à cette détérioration, l'émergence de modèles d'agriculture durable doit être encouragée.

Des initiatives regroupant agriculteurs et citoyens ont permis de développer des formes d'agriculture paysanne et agro-écologique (autonome, durable et ancrée dans l'environnement local) tel que le réseau de fermes novatrices « l'arbre dans la ferme ».

La présente proposition de contribution part des constats suivants : -les agriculteurs initiateurs de démarches innovatrices passent nécessairement par une étape « d'isolement » pour pouvoir construire et expérimenter un autre modèle. -ces agriculteurs novateurs sont peu connectés aux scientifiques ou aux autres agriculteurs et leurs initiatives n'ont que peu de visibilité. Nous formulons l'hypothèse que la création de cellule « incubatrice » d'agriculteurs et la mise en réseau de ces agriculteurs entre eux et avec des scientifiques experts en agro- écologie pourraient faciliter l'émergence d'initiatives d'innovation agro-écologique par les agriculteurs. Ces cellules « incubatrices » favoriseront la maturation des innovations. Elles faciliteront également le développement de stratégies de contournement face aux verrouillages socio-techniques et le développement de « niches » (M'Hand Fares, 2012).

Ce projet revêt des enjeux agricoles à savoir l'accompagnement de la transition agro- écologique (Noel et Van Malder, 2014), mais aussi des enjeux cognitifs : d'une part ; il vise à contribuer à l'accessibilité et la diffusion des sciences dans une perspective de transition durable, et d'autre part, il implique de changer notre rapport à l'apprentissage et la connaissance et à la construction des savoirs (Rivaud et Mathé, 2011 ; Hatchuel, 2000).

Concrètement, ce projet s'inscrit dans le cadre d'un stage d'éco-conseil. L'objet du stage, qui s'achèvera fin mars, consiste en l'état des lieux et le diagnostic du « paysage des dispositifs existants » ainsi que l'élaboration de propositions qui permettront de créer les conditions d'émergence aux initiatives innovantes d'agriculteurs soucieux d'orienter leurs pratiques vers une agriculture écologiquement soutenable. Nous avons la volonté de travailler sur l'émergence d'initiatives dont l'impulsion provient du terrain (bottom up) et qui soulèvent des questions systémiques, à l'échelle de l'exploitation agricole plutôt que spécifiques ou spécialisées.

La méthodologie du projet s'inscrit dans une logique de concertation et de co-construction des propositions avec les acteurs de la sphère agricole. Une dynamique de production d'innovations environnementales abordée de façon collective peut en faciliter l'appropriation par les acteurs en vue d'un maintien durable. Cette notion se rapproche d'une des principes méthodologiques de l'agro-écologie décrit par le groupe GIRAF (Baret et al, 2013).

À ce stade, un premier espace de concertation constitué d'un membre de l'administration (DGO3), d'un syndicat agricole (FUGEA), de la boutique des sciences, du réseau des fermes novatrices l'arbre dans la ferme et de Nature et progrès a été mis en place. Cette première concertation permettra d'affiner collectivement l'objectif du projet et le processus qui sera mis en place pour élaborer les propositions visant à éveiller les initiatives environnementales chez les agriculteurs.

Parallèlement à cette concertation, des rencontres d'autres acteurs ont été et seront programmées :

-des rencontres d'agriculteurs ayant développés des pratiques écologiquement soutenables sont un prérequis au projet afin de comprendre toutes les phases qui mènent à l'émergence d'une initiative d'innovation environnementale et d'évaluer les contraintes et opportunités de chacune de ces phases.

-des rencontres d'agriculteurs conventionnels permettront de mieux cerner les difficultés et les freins auxquels les agriculteurs peuvent être confrontés dans le passage à l'action. A noter que des études de cas, réalisées dans le cadre de mémoires, alimenteront également la réflexion autour de cette question (Triest, 2014)

-des rencontres avec des porteurs de projets ou de dispositifs d'accompagnement d'innovations agro-environnementales existant en Wallonie tel que les groupes d'autonomie de la FUGEA, le réseau des fermes novatrices l'arbre dans la ferme, les exploitations sous « plan d'action agro-environnemental ». Ces initiatives, bien que ne touchant que peu d'agriculteurs ou ciblant des thématiques précises, sont des exemples de co-construction et de mutualisation des savoirs profanes et scientifiques. L'idée, en approfondissant leur fonctionnement et leur processus de mise en place est de mieux cerner les conditions d'émergences.

Au-delà des rencontres, nous approfondirons l'analyse des modèles d'innovation ou de réseau d'agriculture durable en place dans d'autres pays comme en France, avec les CIVAM, au Brésil ou au Québec.

-En France, le Réseau Agriculture Durable ou RAD est chargé d'élargir la dynamique des systèmes de production économes et autonomes. Il réunit 10 000 agriculteurs, les pôles Agriculture durable de moyenne montagne et méditerranéenne. Le RAD travaille en étroite collaboration avec la FNCIVAM (ou Fédération Nationale de Centres d'Initiatives pour Valoriser l'Agriculture et le Milieu rural). Ces centres d'initiatives ou CIVAM sont des groupes d'agriculteurs et de ruraux qui, par l'information, l'échange et la dynamique collective, innovent sur les territoires (http://www.agriculture-durable.org; www.civam.org).

-Au Brésil, des organisations/initiatives socio-rurales semblent converger vers un même changement de paradigme quant à l'occupation et l'utilisation de la terre face au modèle dominant, défavorable aux familles paysannes. On assiste petit à petit à une coordination nationale des initiatives locales et régionales visant à promouvoir les alternatives organisationnelles, techniques et économiques des exploitations agricoles familiales. Les deux principaux espaces d'expression de cette dynamique émergeante sont l'alliance pour l'agro-écologie nationale (Articulação Nacional de Agroecologia; ANA) et l'association d'agro-écologie brésilienne (AssociaçãO Brasileira de Agroecologia; ABA) (Peterson et al, 2012).

-Au Québec, les politiques accompagnent les agriculteurs dans la modification de leur système productif en faveur de l'environnement au travers de clubs-conseils en agroenvironnement (CCAE). Le fonctionnement des CCAE est autonome et regroupe sous une forme associative 20 à 30 exploitations. Elles bénéficient d'un soutien public. Le club embauche un ingénieur-agronome, chargé d'accompagner les agriculteurs en vulgarisant des pratiques respectueuses de l'environnement. L'agronome a donc un rôle de producteur de références et savoir-faire, soit à travers sa propre expérimentation, soit en transférant et/ou en adaptant les travaux d'organismes de recherches, soit en co-produisant avec les agriculteurs les compétences et techniques répondant à la réglementation environnementale (Rivaud et Mathé, 2011).

Au terme des rencontres et concertations, les résultats attendus sont un état des lieux approfondi des niches innovatrices au sein du paysage wallon, une description fine et pertinente d'études de cas positifs et exemplaires en Wallonie ou à l'étranger, et l'élaboration de propositions ou recommandations visant à favoriser l'émergence de dynamiques d'actions évolutives au service d'une agriculture écologiquement soutenable.

Un dernier élément mérite d'être mis en lumière : le recours à des pratiques agricoles durable n'est qu'un des aspects qui mènera au changement de paradigme agricole. La relocalisation de l'agriculture et donc la distribution des produits ainsi que la consommation « en bout de chaine » est un des aspects sur lesquels un travail de sensibilisation et de changement de comportement doit également être fait. La présente proposition de contribution se propose d'aborder la question de changement de paradigme agricole à sa source, au travers de la question des pratiques et de l'accompagnement des agriculteurs désireux de les rendre écologiquement soutenables. Néanmoins, ce travail est et sera fait en gardant à l'esprit que le champ à considérer ne se limite pas à la production, mais bien au système agro-alimentaire dans son entièreté.

Bibliographie

Baret, P. V., P. M Stassart, G. Vanloqueren, and J. Van Damme. Dépasser les verrouillages de régimes socio-techniques des systèmes alimentaires pour construire une transition agroécologique. Quelle transition pour nos sociétés? (2013).

Bouquiaux, J.-M. Evolution de l'agriculture en Région wallonne. In D. Van Dam, C. Sappia, D. Belayew, & I. Parmentier, * « Pour une gestion durable du territoire rural de la Wallonie. Une réalité à laquelle sensibiliser les jeunes générations ». 2012 (pp. 111-122). Namur, Belgium: Presses Universitaires de Namur.

Hatchuel, A. Research, Intervention and the production of knowledge. In *« Cow Up a Tree : Knowing and Learning for change in Agriculture ». M. Cerf, D. Gibbon, B. Hubertet al. Inra Edition, PARIS (2000), 55-68.

Noel B. et Van Malder L. – Les compagnons de la terre - Réinventer l'agriculture en Wallonie. Publication Barricade, 2014.

Petersen P., Marion Mussoi E. et Dal Soglio F. Institutionalization of the Agroecological Approach in Brazil: Advances and Challenges. Journal of sustainable agriculture, 2013, 37 (1), 103-14.

Rivaud A. et Mathé J. « Les enjeux cognitifs du défi environnemental dans les exploitations agricoles », Économie rurale 3/ 2011 (323), 21-35.

Triest Q. Analyse systémique des freins à l'agroforesterie en grandes cultures. TFE. Septembre 2014.

Fares M, Magrini M-B, Triboulet P. Transition agroécologique, innovation et effets de verrouillage : le rôle de la structure organisationnelle des filières. Cahiers des agriculteurs. 2012 (21)



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