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Modèles économiques de transition développementaliste et développement durable: how to make sustainable transitions in Sub-Saharan African countries before their acceleration ?
Thierry Amougou  1@  
1 : Université Catholique de Louvain  (UCL)  -  Site web
Place de l'Université 1 - 1348 Louvain-La-Neuve -  Belgique

Le développementalisme à la fois comme idéologie, technique et instrument d'action s'est construit à la fin des années quarante/début des années cinquante sur trois principales idées :

a) Toutes les anciennes colonies nouvellement Etats indépendants souhaitent se moderniser suivant le modèle capitaliste occidental ;

b) Toutes les sociétés du monde sont mues par « un gène naturel » qui les tracte au point de les pousser inexorablement à aller de l'organisation traditionnelle à l'organisation moderne dont l'Occident est l'idéaltype historique ;

c) Les généalogies que privilégie la méthode historique, c'est-à-dire les particularités spatio-temporelles, les singularités sociales, culturelles et anthropologiques ne comptent pas ou ne font pas le poids devant le mouvement naturel et fondamental de transition des sociétés traditionnelles aux sociétés modernes[1].

 

Par conséquent, l'économie du développement s'est construite à la fin de la Seconde Guerre Mondiale via un ensemble de modèles économiques de transition où non seulement le développementalisme est omniprésent via les idées sus évoquées, mais aussi où l'approche du processus de développement signifie le passage de la société traditionnelle, synonyme de pauvreté et de pénurie à la société moderne, synonyme d'abondance et vie bonne[2] avant que certains aspects de la modernité capitaliste ne montrent des externalités négatives en termes de durabilité[3]. Cette inclinaison analytique, intellectuelle et politico-économique assimilant développement et modernisation intégrale des sociétés, s'est imposée en Afrique subsaharienne avant la lettre via la stratégie de « mise en valeur de son domaine colonial » (1800-1960) puis via les paradigmes postcoloniaux de développement implémentés dans le continent noir dès 1960. La problématique de la transition de « l'Afrique traditionnelle » vers « l'Afrique moderne » déjà omniprésente dans les modèles développementalistes des années cinquante se renouvèle donc avec acuité de nos jours eu égard, tant à la prégnance de la problématique du développement durable[4], qu'au fait que la logique des modèles économiques de transition n'a pas changé : elle fait toujours très peu de cas des questionnements relatifs à la durabilité économique, sociale, environnementale et culturelle du continent africain.

En nous adossant sur l'approche du processus de développement comme un processus de renforcement continue des capacités des acteurs (Etats, individus, sociétés, associations...)[5], sur les temporalités braudeliennes (temps long, temps moyen, tems court)[6] et sur les résultats des modèles développementalistes en Afrique sub-saharienne, nous questionnons et analysons, sans omettre de proposer des solutions, la compatibilité et/ou l'incompatibilité entre les modèles économiques de transition développementaliste et la durabilité des sociétés subsahariennes.

Dans la mesure où le développement durable, d'après le rapport Brundtland (1987), promeut une justice intergénérationnelle, notre hypothèse consiste à dire que cette justice intergénérationnelle est largement hypothéquée dans une Afrique subsaharienne où les modèles économiques de transition ne se préoccupent pas de la justice intra générationnelle dans leur dynamique de transition où les souffrances sociales et les vulnérabilités de court et moyen terme sont les prix à payer pour se développer à long terme. Autrement dit, si la transition est importante dans la dynamique du changement social qui lui est consubstantielle, elle ne peut promouvoir le développement durable que si elle est durable en elle-même et non en restant uniquement « un pont » vers une durabilité qui serait mise entre parenthèses par le temps de la transition et le rôle de « courroie de transmission » qu'il joue entre deux états du monde. Cela induit qu'un modèle de transition ne peut être au service du développement durable que s'il respecte dans son mécanisme des rapports viables entre l'économique, le culturel, le social, l'environnemental, permet un renforcement des capacités des générations actuelles et entraîne une transmission des capacités renforcées et/ou des possibilités de renforcement de capacités aux générations futures : la logique durable ou non de la transition, la transmission qu'elle permet en termes de capacités et la contenu de cette transmission jouent donc un rôle centrale dans la nature durable ou pas d'une dynamique de transition. Cela implique qu'en Afrique subsaharienne la question la plus urgente semble moins la vitesse de la transition que sa soutenabilité. Thus our preoccupation in not only how to accelerate the transition but how to make sustainable transitions before their acceleration in Sub-Saharan African countries?

Nous allons mettre en évidence notre démonstration via l'analyse et la mise en résonnance des logiques théoriques, des logiques d'opérationnelles et des résultats concrets de quatre modèles économiques de transition développementaliste actuellement en vigueur en Afrique subsaharienne :

 

  • L'agro-industrie inspirée des modèles dualistes de la transition agriculture/industrie développée par Goran Hyden (1980), Fei et Ranis (1964), Lewis (1954) et de Kuznets (1950);
  • L'approfondissement financier (financial deepening) basé sur le modèle de la transition financière via la libéralisation financière de Mc Kinnon et Shaw (1973) ;
  • L'ajustement structurel (depuis 1980) basé sur le modèle de la transition sociétale via la régulation des marchés parfaits et leur promotion ;
  • L'émergence économique basée sur le modèle de la transition sociétale via la captation de la croissance de mondialisation (2000).

 

Ces modèles économiques de transition sont centraux pour l'avenir du continent africain et augurent de sa durabilité et/ou non durabilité via des interconnexions transversales entre plusieurs secteurs névralgiques qu'ils impactent. Ce sont par exemple le secteur agricole, le foncier, la sécurité alimentaire, les cultures de rentes et l'autonomie des paysans, le financement du développement, la lutte contre la pauvreté, l'autonomie financière, la nature, la place et le rôle des institutions politiques, sociales et économiques, le rôle des Etats, du marché, de la mondialisation et de la croissance dans le processus de développement.

 

Eléments de bibliographie

Alier J.M., (2014), L'écologisme des pauvres. Une étude des conflits environnementaux dans le monde, institut Veblen/les petits matins.

 

 Amougou T., (2010), Cinquantenaire de l'Afrique indépendante : enjeux de développement, défis sociopolitiques et nouvelles opportunités, l'Harmatan, Paris.

 

Amougou T. (2010), Dualisme financier et développement au Cameroun : une approche néobraudélienne et systémique, Presses Universitaires de Louvain, LLN/Belgique.

 

Arghiri E. (1969), L'échange inégal. Essai sur les antagonismes dans les rapports économiques internationaux, Maspero, Paris.

 

Assidon E. (2000), Les théories économiques du développement, La Découverte, Paris.

 

Badie, B., (1994), Le développement politique, Paris, Économica.

Baran P.A. (1957 trad. française 1970), Economie politique de la croissance, F. Maspero, Paris.

 

Bourg D., Fragnière A., (2014), La pensée écologique. Une anthologie, Paris, Puf.

Braudel F., 1993, Civilisation matérielle, économie et capitalisme XVe - XVIIIe siècle 1. Les Structures du quotidien. 2. Les Jeux de l'échange. 3. Le Temps du monde, Paris, Arman Colin.

Chenery H. et al. (1974, trad. française 1977), Redistribution et croissance, Puf, Paris.

 

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Fei J.C.H. et Ranis G. (1964), Development of labour surplus. Economy, Theory and Policy, R.D. Irwing, Hommewood, Illinois.

 

Hugon Ph. (1999), L'économie de l'Afrique, Paris, La Découverte.

 

Kuznets S. (1950), « Economic growth and income inequality, AER, Mars.

 

L'Afrique est-elle bien partie? L'Economie politique, n°59, 2013.

 

Lewis A.W. (1954), « Economic development with unlimited supplies of labor », The Manchester School of Economics and Social Studies, in AGARWALA et S.P. SINGH (éd.) (1958), pp. 139-19.

 

Mc Kinnon (1972), The order of economic liberalization- Financial control in the transition to a market economy, John Hopskins University Press, Baltimore, Londres.

 

Our commun future. The world commission on environment and development, Oxford, 1987.

Peemans J.ph., (2002), Le développement des peuples face à la modernisation du monde : Essai sur les rapports entre l'évolution des théories du développement et les histoires du développement réel dans la seconde moitié du XXème siècle, Paris, Academia/l'Harmattan

Sen A.K, (2000), un nouveau modèle économique : Développement, justice, liberté, Paris, Odile Jacob.

Wautelet J.M. (2008), « L'Etat entre économie populaire et reproduction inégalitaire », Mondes en Développement, vol.36, n°143, pp.11-26.


[1] Badie, B., (1994), Le développement politique, Paris, Économica.

[2] Peemans J.ph., (2002), Le développement des peuples face à la modernisation du monde : Essai sur les rapports entre l'évolution des théories du développement et les histoires du développement réel dans la seconde moitié du XXème siècle, Academia/l'Harmattan.

[3] Bourg D., Fragnière A., 2014, La pensée écologique. Une anthologie, Paris, Puf.

[4] Le cinquième rapport du GIEC publié le 4 novembre 2014 vient de réitérer l'urgence de la prise de mesure pour limiter la hausse de la température globale en deçà des 2°C.

[5] Sen A.K, (2000), un nouveau modèle économique : Développement, justice, liberté, Paris, Odile Jacob.

[6] Braudel B., (1993), Civilisation matérielle, économie et capitalisme XVe - XVIIIe siècle 1. Les Structures du quotidien. 2. Les Jeux de l'échange. 3. Le Temps du monde, Paris, Arman Colin.


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