Résumé de la proposition de contribution
Diagnostic et contexte
Réduire drastiquement les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments européens, qu'ils soient publics ou privés, est un objectif vital. Le secteur du bâtiment est en effet un consommateur majeur d'énergies fossiles. Il représente près de 40% de l'énergie finale consommée en Europe.
En conséquence, depuis la première crise pétrolière des années 70, la question de l'efficacité énergétique des bâtiments a fait l'objet d'un nombre impressionnant de recherches et de publications scientifiques internationales qui ont, d'une part, permis de développer des outils de modélisation précis du comportement énergétique des bâtiments et, d'autre part, mené au développement de nombreuses techniques et technologies innovantes qui permettent, pratiquement, de construire et de rénover des bâtiments très économes en énergie. Il est ainsi maintenant techniquement possible de construire des bâtiments et des quartiers « passifs », « presque zéro-énergie » voir autonomes en énergie (dans le sens où la production locale d'énergie renouvelable compense les besoins énergétiques du bâtiment ou du quartier). D'un point de vue réglementaire, la nécessité de produire de nouveaux bâtiments très efficaces énergétiquement a mené l'Union européenne à instaurer, puis progressivement renforcer, ses politiques en matière de performances énergétique des constructions neuves. Ainsi, la Directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments de 2002 a récemment été revue (2010) et vise à imposer, suite à sa prochaine transposition dans les Etats Membres, que tout bâtiment neuf construit dès 2020 respecte le standard " presque zéro énergie" (cette échéance est avancée à 2018 en ce qui concerne les bâtiments publics).
En matière de rénovation énergétique, s'il existe un large consensus sur la pertinence, l'efficacité et l'absolue nécessité de rénover le stock bâti existant, en particulier dans nos régions où le taux de construction neuve reste très faible (1 à 2% du stock bâti par an ; 70% du stock bâti existant en 2040 est d'ores et déjà construit), la concrétisation opérationnelle de ces intentions reste problématique. En ce qui concerne les aspects réglementaires, outre la construction neuve, les Directives européennes en matière de performances énergétiques des bâtiments ne ciblent que les rénovations majeures, c'est-à-dire les bâtiments de plus de 1.000m², soumis à permis, et faisant l'objet de travaux de rénovation importants (définis comme des travaux de rénovation de l'enveloppe et/ou des installations énergétiques qui, soit, portent sur au moins un quart de l'enveloppe, soit coutent plus de vingt-cinq pourcents de la valeur du bâtiment).
La rénovation énergétique des bâtiments reste toutefois peu développée en pratique (tant en ce qui concerne le stock bâti privé que les bâtiments publics) en raison d'une série de freins dont les plus importants sont :
- La complexité technique des travaux de rénovation énergétique, tant en termes d'études préalables que de mise en œuvre : si de nombreuses techniques et technologies très performantes ont été développées et sont disponibles sur le marché, leur mise en œuvre concrète impose une série de réflexions et d'adaptations pour s'adapter au mieux à chaque bâtiment, par nature unique, et à ses spécificités techniques (ponts thermiques qui réduisent les performances théoriquement attendues, présence de gaines de ventilation qui empêchent la mise en place d'une isolation continue, présence d'amiante, etc.). De plus, les entreprises de construction locales manque encore d'expertise et de formation en matière d'emploi de nouvelles technologies ou de recours à des techniques qui rompent avec la "tradition" (à titre d'exemple, le simple renforcement des exigences minimales en termes d'isolation des parois verticales a mené à une remise en question des modes de construction traditionnel pour pouvoir techniquement mettre en œuvre des épaisseurs croissantes de matériau isolant). Dans un contexte plus large que la seule rénovation énergétique, Halleux et Lambotte (2008) ont chiffré à 30% les surcoûts relatifs à la rénovation des bâtiments existants par rapport à la construction neuve en site vierge, en raison de la complexité des travaux de rénovation.
- La nécessité de réaliser des études préalables : la complexité des travaux de rénovation énergétique impose de devoir mener une série de réflexions et d'études techniques préalables aux travaux, de façon notamment à dresser un état des lieux fiable et actualisé des consommations énergétiques des bâtiments, à définir, investiguer et comparer différents choix techniques, à identifier les solutions les plus pertinentes, en termes d'efficacité, de coût, de durabilité, etc., et à rédiger l'ensemble des documents techniques nécessaires à la réalisation des travaux. Plus largement, un accompagnement continu des travaux, après la phase d'études est également nécessaire pour s'assurer de la bonne réalisation des travaux.
- Le financement des études et des travaux : même si le temps de retour sur investissement de certains travaux de rénovation énergétique devient très intéressant, le financement des études et des travaux suppose un investissement de départ important.
Le fonds EEEF
L'Union européenne, consciente des enjeux majeurs qui s'articulent autour de la réduction des consommations énergétiques des bâtiments, en particulier dans les bâtiments existants, et du rôle important de ce secteur dans la transition de nos sociétés, plaide activement pour l'investissement, public et privé, dans le secteur de la rénovation énergétique des bâtiments (European Commission, 2014).
Une des initiatives menées par l'Union européenne pour soutenir la réalisation des objectifs climatiques et énergétiques des États membres tient dans la mise en place d'un fond européen pour l'efficacité énergétique (EEEF, European Energy Efficiency Fund) qui consiste en un partenariat public privé entre l'Union Européenne, la Banque Européenne d'Investissement, la Cassa Depositi e Prestiti et la Deutsche Bank. Un budget de 265 millions d'euros, géré par la Deutsche Bank, a été mis sur pied pour financer des projets d'autorités publiques visant à améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments, à promouvoir les énergies renouvelables et/ou les solutions de mobilité propre. En outre, un budget de 20 millions d'euros a été libérée par l'Union Européenne afin de financer les études techniques préparatoires aux travaux et de modéliser les solutions les plus pertinentes à développer.
Indicateurs de performances
Les indicateurs de performances à respecter dans le cadre du recours au fonds EEEF tiennent en deux exigences :
- Un indicateur économique : le Fonds se veut un incitant fort à l'action. En conséquence, chaque euro investi par le Fonds doit mener, au terme de la période subventionné d'assistance technique, à l'investissement minimum de 20 euro dans les travaux de rénovation énergétique des bâtiments étudiés.
- Un indicateur de performances énergétiques : les performances à atteindre doivent au minimum s'inscrire dans le cadre global de l'objectif 20-20-20 de l'Union européenne (augmentation de 20% de l'efficacité énergétique des bâtiments, réduction de minimum 20% des émissions de CO2 et recours à 20% d'énergies renouvelables). Des seuils plus élevés de performance plus élevés sont encouragés.
Le projet GRE-ULg-CHU : avancement et retours attendus
L'Université de Liège (ULg) et le Centre Hospitalier Universitaire de Liège (CHU) ont introduit, avec le soutien stratégique et administratif du Groupement de Redéploiement Economique-Liège (GRE-Liège), un dossier de candidature auprès du fonds EEEF afin de financer un ensemble d'études viser à investiguer et modéliser les solutions techniques les plus pertinentes pour améliorer significativement les performances énergétiques de 15 bâtiments et de l'éclairage extérieur du domaine du Sart Tilman. Ces 15 bâtiments sont considérés prioritaires car construits durant les décennies 60 à 80 au cours desquelles les exigences de performances énergétiques des bâtiments étaient moins contraignantes qu'actuellement. A eux seuls, ils représentent 65% des consommations énergétiques (électricité et production de chaleur) du campus du Sart Tilman (une centaine de bâtiments) et plus de 50% (252.000 m2) des surfaces de plancher du campus.
En juin 2014, le fonds EEEF a apporté son soutien à l'ambitieux programme de rénovation énergétique proposé par le GRE, l'ULg et le CHU, en contribuant à hauteur de 1,5 million d'euros à l'assistance technique préalable aux travaux. Ce dossier constitue le premier projet belge financé par EEEF. Depuis lors, le GRE a également levé un second subside de 2,2 million d'euros, en collaboration avec 10 collectivités locales liégeoises.
Conformément à l'objectif opérationnel du fonds EEEF, ces études techniques préfigurent un programme d'investissements estimé à 30 millions d'euros, étalés jusqu'à fin 2018. Les interventions concernent l'isolation thermique des façades et toitures, le remplacement des vitrages, l'éclairage interne et externe et l'amélioration de la ventilation et de la distribution de chaleur dans les bâtiments. Le but du programme est de réduire de minimum 20% les consommations énergétiques des 15 bâtiments visés : -18% pour la consommation électrique et -50% de combustibles pour le chauffage. Ces économies d'énergie impacteront également les émissions de CO2 à hauteur de près de 25%. Ce programme d'investissement de 30 millions devrait déboucher sur la création et/ou le maintien de 500 emplois locaux dans les domaines de la construction et de l'efficacité énergétique.
Notre contribution au 2ème Congrès Interdisciplinaire du Développement Durable se propose de revenir en détail sur les mécanismes qui sous-tendent la rénovation énergétique des bâtiments et de présenter les mécanismes de financements, les études en cours à l'ULg et au CHU ainsi que les travaux et résultats attendus sur le plus long terme, grâce au soutien de EEEF.
Bibliographie indicative reprenant les principales sources envisagées (non exhaustive)
CEC, Green Paper on Energy Efficiency or Doing More With Less, Report CECCOM (2005) 265, Commission of the European Communities, Belgium, 2005.
V.A. Dakwale, R.V. Ralegaonkar, S. Mandavgane, Improving environmental performance of building through increased energy efficiency: a review, Sustainable Cities and Society 1 (4) (2011) 211–218.
Directive 2002/91/EC of the European Parliament and of the Council of 16 December 2002 on the energy performance of buildings
Directive 2010/31/EU of the European Parliament and of the Council of 19 May 2010 on the energy performance of buildings.
European Commission, Technical guidance: Financing the energy renovation of buildings with Cohesion Policy funding, DG energy, 112p.H.
Geller et al., Policies for increasing energy efficiency: thirty years of experience in OECD countries, Energy Policy 34(5) (2006) 556-573.
L. Gustavsson, A. Joelsson, Life cycle primary energy analysis of residential buildings, Energy and Buildings, 42(2) (2010) 210-220.
J.M. Halleux, J.M. Lambotte, Reconstruire la ville sur la ville. Le recyclage et le renouvellement des espaces dégradés, Territoire(s) Wallon(s) 2 (2008) 7-22.
J.Y. Le Déaut, M. Deneux, Rapport provisoire au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologique sur les freins réglementaires à l'innovation en matière d'économies d'énergie dans le bâtiment, 2013, 105p.
S. Reiter, A.F. Marique, Toward low energy cities: a case study of the urban area of Liège, Journal of Industrial Ecology 16 (2012) 829–838.
K. Steemers, Energy and the city: density, buildings and transport, Energy and Buildings 35 (2003) 3–14.
R. Zmeureanu, Assessment of the energy savings due to the building retrofit, Building and environment 2 (1990) 95-103.
- Autre